LETTRE OUVERTE SOUTIEN D'UN CHAUFFEUR DE TRANSPORT

Lettre ouverte  

Aujourd’hui, l’un des nôtres, Christian Coppi, est renvoyé devant les tribunaux pour évaluer sa responsabilité dans un accident grave, à l’aulne de la faute caractérisée. La faute caractérisée n’est pas limitée à ce qui est légalement ou réglementairement imposé. Elle s’étend à toute défaillance qui génère un risque particulièrement grave. Ici on reproche potentiellement à notre collègue d’avoir manqué de prudence, de ne pas avoir eu la vigilance particulière qui s’imposait compte tenu des lieux, de la circulation, de la faible luminosité, et de la nécessaire prise en compte du comportement des usagers... Au final, on reprochait à notre collègue de ne pas avoir été un robot, doté d’une intelligence artificielle lui permettant d’analyser toutes ces données en temps réel : voir ce qui n’était pas visible compte tenu de la luminosité et du choix de conduite, anticiper sur une multitude de comportements dangereux d’usagers pouvant émerger de toute part, et ceci tout en restant concentré sur la circulation particulièrement dense à cette heure-là, en ville, à un croisement… En définitive, on reprochait à notre collègue de n’être qu’un humain, doté simplement de compétences sensorielles et cognitives humaines… Non, il n’est pas pourvu d’une vue à 360 degrés, non il n’a pas la vue d’un chat la nuit, non il n’est pas capable de regarder la route pour s’insérer dans la circulation à un croisement en restant sur le « qui vive » en permanence pour anticiper des comportements d’usagers imprudents qui courent sur la route, tapent à une vitre, se retournent et cherchent leur téléphone dans leur sac tout en restant sur la route… Non, il n’a pas ces capacités inhumaines, pas davantage que nous, ses collègues, qui redoutons à tout instant qu’un tel accident nous arrive. Et nous sommes solidaires aujourd’hui, car nous voyons cette menace de faute caractérisée comme une épée de Damoclès qu’on brandit à tout moment parce qu’il est inacceptable d’accepter le décès d’une jeune fille se trouvant en pleine voie, dans la nuit,… sans rechercher un responsable autre…. le plus évident étant le chauffeur ! Pourtant ce chauffeur est ici aussi une victime, et de façon collatérale, sa famille l’est aussi, parce que sa vie s’est en partie arrêtée aussi ce jour-là et ne sera jamais plus la même à cause de ce jour-là.   Ce qui arrive à notre collègue nous terrorise : l’accident de toute évidence, mais aussi le renvoi devant les tribunaux,… On sait qu’un tel accident peut toujours arriver, même si on est dans le déni parce que sinon on ne ferait jamais ce métier par peur que l’accident arrive… Mais on est démuni et inquiet de voir que toute la prudence et professionnalisme mis en œuvre et humainement possible, sont balayés par une invocation de la faute caractérisée qui nécessite pour l’éviter d’avoir des compétences ne relevant pas des capacités humaines… Ce ne se sont d’ailleurs pas des compétences pour nous, mais des pouvoirs magiques irréalistes.   Nous, chauffeurs transports poids lourds, urbain et voyageurs voulons être entendus, à travers le cas de notre collègue, pour que notre professionnalisme, mais aussi notre humanité, ne soient pas remis en cause au moment où la raison ne parvient pas à éteindre la peine et la douleur des conséquences induites par un accident grave qui ne saurait être évité par les seules compétences expertes du chauffeur.