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/ #232 Re: Re:

2011-12-27 11:51

#228: - Re:  

 

Lang : "Il y a une ignorance incroyable sur la Turquie"

 

Que pensez-vous des tensions diplomatiques intervenues entre Paris et Ankara ces derniers jours?
La Turquie est un grand pays avec lequel la France a des bonnes relations depuis le XVIe siècle, à quelques exceptions près. Cette entente est une constante de la politique internationale française. Ce pays fait partie de notre histoire. Je ne comprends donc pas pourquoi, depuis cinq ans, les autorités nationales attaquent en permanence la Turquie et font de son entrée dans l’Union européenne un obstacle. Le mois dernier, Alain Juppé s’est rendu à Ankara. Je pensais que cette visite avait été plutôt positive et que nous allions sortir de cette politique d’animosité.

Mais il y a eu depuis l’adoption d’une loi pénalisant la négation des génocides…
 Cette loi est un élément dans un contexte général. Je retiens surtout l’attitude foncièrement hostile des autorités françaises, notamment pour des raisons électorales.

«Que cherche-t-on au juste? Faire plaisir à tel ou tel lobby ou souhaiter que la vérité éclate?»Toujours est-il que cette loi a envenimé davantage les relations franco-turques. Et que de nombreux socialistes ont voté en sa faveur. Leur en voulez-vous?
Je ne leur en veux pas, ce n’est pas le mot. Mais il ne fallait pas de cette loi. Et ce, pour des raisons qui dépassent la question de l’Arménie et de la Turquie. Je partage le sentiment de Robert Badinter : ce texte n’est pas conforme à la Constitution, puisqu’elle entrave la liberté d’expression. Nul doute que si un tel texte est soumis au Conseil constitutionnel, ce dernier exprimerait sa réserve. Par ailleurs, je suis très attaché à ce que la Turquie reconnaisse un jour les massacres commis durant la Première guerre mondiale. Il faut donc tout faire pour encourager un dialogue entre historiens arméniens et turcs.

Cette loi aurait donc, selon vous, l’effet inverse auprès des dirigeants et intellectuels turcs?
Elle peut en effet être à l’origine d’une crispation qui bloquerait ce dialogue. Que cherche-t-on au juste? Faire plaisir à tel ou tel lobby ou souhaiter que la vérité éclate? Moi je veux que la Turquie fasse cet effort, mais je ne suis pas sûr que ce soit le souhait de ceux qui ont voté ce texte. Nous n’avons pas à nous substituer aux historiens.

Le vote de cette loi dépasse le clivage politique traditionnel en France. Comment l’expliquer? «Tout semble avoir été oublié en quelques heures»
Ce vote n’exprime en tout cas certainement pas une volonté de dialogue entre la Turquie et l’Arménie.

Mais rien ne laisse supposer un réchauffement diplomatique entre la France et la Turquie en cas de victoire de la gauche en 2012…
Si c’est le cas, ce serait totalement regrettable.

Êtes-vous pessimiste quant à l’avenir de cette relation?
Je ne suis jamais pessimiste. Je me bats constamment pour que les autorités cessent de s’en prendre à la Turquie. Il y a une ignorance incroyable de la classe politique française quant à nos liens avec ce pays. On ne peut pas oublier qu’il est resté un allié fidèle de l’Europe face au camp soviétique. Ni que dans ses rapports avec Israël, il était l’un des rares pays musulmans à faciliter un dialogue. Tout semble avoir été oublié en quelques heures.

Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, parle "de plaies irréparables" dans les relations franco-turques. Ce n’est donc pas votre avis?
Cela dépendra des dirigeants français de demain. On sait ce qu’il en est pour ceux d’aujourd’hui. Ceux-là ne sont plus en mesures de renouer avec ce pays.

Le vote jeudi d'une loi réprimant la négation du génocide arménien a amené la Turquie à couper ses relations diplomatiques avec la France. Grand ami de ce pays, Jack Lang confie son amertume au JDD.fr. Pas comme membre de l’équipe de campagne de François Hollande mais, précise-t-il, en tant qu’homme "attaché à la liberté d’expression". Le député PS du Pas-de-Calais fustige notamment la méconnaissance de l’histoire turque.