Dans la réforme, il y a 2 questions principales à prendre en compte.
1/ la première concerne le calcul du service des enseignants du 2d degré : est-ce qu’ils vont travailler plus (sans être payés davantage) et est-ce qu’il y a ou non annualisation des services ? C’est le problème de la définition du statut de l’enseignant comme fonctionnaire.
2/ et il y a une question plus générale sur la définition de l’enseignement secondaire et sur la fonction de l’enseignant. C’est le problème de la définition du statut de l’enseignant comme professeur.
Les deux questions ne sont pas séparées et séparables (comme s’il s’agissait pour l’une d’une question technique et pour l’autre d’une question philosophique). Le dispositif des 3 missions permet précisément leur articulation. Et cette redéfinition qui ne dépoussière pas mais détruit les anciens statuts induit une rupture et non une évolution du métier d’enseignant. Ce n’est plus le même métier autrement mais une autre définition du métier
1. Le décret ne préserve pas un statut dérogatoire aux enseignants et il y a de fait d’annualisation.
Les « statuts particuliers » s’intègrent au cadre général qui définit la législation en matière de temps de travail à l’ensemble de la fonction publique. Ce cadre général qui fait référence au code de l’éducation L 912-1 et au décret 2000-815 (35 heures/ semaine : 1607 heures/année) ayant la primauté sur les statuts particuliers qui ne concernent par ailleurs que la mission d’enseignement, fait que ceux-ci ne sont pas (plus) dérogatoires. Il s’agit bien d’une mise en conformité́ avec la législation générale sur le temps de travail des fonctionnaires. Et puisque les enseignants sont responsables de toutes les activités des élèves « pendant toute l’année », comme le stipule le code de l’Education L. 912-1 (Loi Fillon) dont le projet de décret Peillon est la copie conforme, il s’agit de fait d’une annualisation.
2. L’enseignement est la mission dite « principale » mais elle n’est plus la plus importante et la notion de professeur n’est renforcée mais amoindrie.
L’enseignement ne peut plus être la mission principale ou alors c’est de manière nominale : la mission d’enseignement ne compte que pour 540 ou 648 pour 1607 heures de travail effectif annuel. Les missions liées à l’enseignement comptent donc pour 1067 ou pour 959 heures du total. C’est ici que les 2 questions se rejoignent : le nouveau dispositif entend rompre définitivement avec « l’exercice libéral » du cours jugé obsolète. Le “principal” du temps et des activités de l’enseignant se concentre autour des missions 2 et 3. La notion de professeur n’est pas renforcée. L’enseignant n’est le « concepteur » de son enseignement que pour la mission 1. Pour le reste, le projet de réforme entend valoriser le travail en équipe, l’action locale, la présence au sein de l’établissement. C’est donc bien une autre conception de l’enseignement et du professeur que le projet de décret propose.
3. Rien ne change en apparence mais tout change en réalité.
Ce n’est en effet pas la même chose : d’avoir une seule mission (enseigner, transmettre un savoir dans sa discipline de recrutement) avec des tâches annexes, distinctes du service d’enseignement (conseil de classe, réunion avec les parents…) et d’avoir plusieurs missions obligatoires dont l’enseignement n’est plus qu’une partie (même principale), indéterminées dans leur contenu l’objet et surtout leur durée (de l’aveu même du SNES, les missions liées sont non quantifiables).
4. La liberté pédagogique n’est plus préservée.
Les missions « complémentaires » sont définies localement (établissement et académie), le travail en équipe pluri-disciplinaire et pluri-professionnelle devient prescriptif. C’est un autre système de contrôle, de surveillance, de pression bien plus contraignant que la verticalité du système hiérarchique selon la double qualification pédagogique/administratif. Cela entérine une confusion entre les deux ordres.
Par conséquent, si les enseignants souhaitent que l’activité d’enseignement reste effectivement principale, le temps de travail doit continuer d’être calculé sur les ORS définis et protégés par les statuts des Décrets de 50. Ils doivent massivement se prononcer contre le projet du nouveau décret.