CONTRE la loi ESR "Fioraso", parce que POUR la langue française !

François-Xavier Grison

/ #650 Langue française, transmission et communication du savoir

2013-03-22 10:12

J'invite les personnes qui contestent la position défendue par le texte de la pétition à reprendre chacun des douze arguments démontrant l'absurdité du "tout anglais" dans l'enseignement supérieur et la recherche, et à les démonter un à un. Je constate que ces personnes ne l'ont pas fait jusqu'à maintenant, probablement parce que ces douze arguments sont irréfutables.

Je vous indique quelques éléments de réponse concernant les colloques et les revues scientifiques, au sujet desquels il est indiqué dans le texte de la pétition que la traduction permet de pallier les nombreux inconvénients du règne de l'anglais exclusif. En effet :


1) L'imposition de l'anglais dans les colloques internationaux situés en France :

- gène les chercheurs français mal à l'aise dans cette langue - et ils sont nombreux. Les inconvénients pour eux proviennent d'une difficulté à retranscrire en anglais la nuance, la richesse, la précision, la rigueur du travail qu'ils ont réalisé dans leur langue maternelle. On est d'ailleurs plus créatif et plus agile dans sa langue propre

- provoque l'autocensure car il est mal vu de dire qu'on parle mal anglais

- interdit tout public non anglophone

- aboutit à des situations qui seraient burlesques si elles n'étaient pas humiliantes : si 10 chercheurs sont français et un anglais, tout sera en anglais, ce qui donnera un avantage "comparatif" considérable au chercheur anglais et rabaissera le travail des chercheurs français qui ne pourront pas s'exprimer aussi bien que leur collègue d'outre-Manche. Si l'on parle mal une langue, on donne l'impression d'avoir une pensée un peu "grossière" en s'exprimant dedans

- viole la loi, qui demande que les colloques puissent être suivis en français (d'où la traduction et le fonds Pascal pour permettre aux colloques d'y avoir recours sans que cela n'engage des coûts excessifs).


2) Il est faux de dire que l'anglais passe comme une lettre à la poste en Allemagne ou dans d'autres pays européens du nord, comme certains le prétendent. Je vous laisse lire le texte de la très officielle Hochschulrektorenkonferenz allemande qui dresse un réquisitoire sévère contre le tout anglais dans les universités allemandes :

http://www.hrk.de/press/press-releases/press-release/meldung/internationalisation-of-universities-promoting-national-and-international-multilingualism-1000/

Il est notamment question de distorsion de concurrence par rapport aux anglophones et du fait que l'Allemagne se tire une balle dans le pied en ne promouvant pas l'allemand en Allemagne même.


3) Concernant les revues internationales, c'est un fait, en effet, que la communauté scientifique lit en anglais. La position raisonnable à adopter est qu'il faut que tout article écrit en France existe dans une version française. C'est la traduction qui doit jouer. Il importe de promouvoir des revues multilingues. Le problème de ne même plus publier en français en France est que nombre de chercheurs sont complètement inconnus dans leur propre pays, et n'y sont pas du tout lus.

Beaucoup d'acteurs, comme des revues de vulgarisation, "tournent" autour de la recherche et de la science et ont besoin de lire dans leur langue maternelle. C'est ainsi que l'Union Populaire Républicaine a révélé un "scoop" en juillet 2012 : une étude scientifique du CNRS et de l'Université catholique de Lille du 4 décembre 2009 avait repéré que le LIBOR et l'EURIBOR étaient manipulés, donc bien avant l'éclatement du scandale mondial.

L'article n'avait pas du tout percé en France parce qu'il était exclusivement en anglais. Apparemment, il n'avait pas percé non plus à l'étranger, bien qu'en anglais... Cette mésaventure est une bonne leçon dont il faut tirer les enseignements. Tous les détails ici :

http://www.u-p-r.fr/actualite/france-europe/scandale-libor-et-euribord


J'invite les personnes qui, au nom du "pragmatisme" ou du "réalisme", vantent le tout anglais à se méfier des fausses évidences et à préférer la réalité, notamment humaine, au dogme.